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Intentions
C’est un essai.
Glissement de l’écoute causale, narrative, à l’écoute musicale “Schaefferienne”.
On écoute des gens qui font du son (comme on écouterait des instrumentistes),
et petit à petit, on écoute les sons.
C’est une expérimentation.
C’est une tranche de vie où l’on porte une attention particulière aux
sons, au son, dans une série d’actions quotidiennes.
Ce qui guide nos gestes, ce n’est progressivement plus le but à atteindre
(poser un verre, ouvrir une porte, attraper une bûche, ...), mais le son.
C’est une musique conceptuelle.
Passer d’une temporalité où le geste naît de la fonction, à un temps où
le geste naît de l’écoute “réduite”.
C’est une musique concrète où tous les objets d’une maison deviennent
instruments. C’est une musique improvisée (jeu entre nous, l’extérieur
et les objets). C’est également un court-métrage sonore.
C’est: Faire entendre le son.
Le
faire
Nous sommes parti-e-s une semaine à la campagne; nous logions dans une
maison, au bord de la D.23. Dans ce village minuscule tous les jours à
la même heure, nous avons improvisé-enregistré un espace de vie d’environ
20 minutes. Tous les jours, dans cette maison, nous avons pratiqué un
moment d’hyper attention au son que l’on fait, au son des objets. Notre
action principale était de ralentir très progressivement - de vivre.
Un couple de micro est installé dans la pièce principale, et chaque jour
entre 16 heures et 18 heures 30, nous ralentissons. On ne se parle pas,
notre écoute s’intensifie et le moindre craquement trouve finalement son
espace.
Nous jouons avec les objets de la maison, dans une situation quotidienne,
en projetant la situation d’écoute acousmatique. Comme nous pratiquons
régulièrement cette écoute particulière, nous improvisons et projetons
des gestes “pour” cette situation d’écoute.
A
l’écoute
Une personne, puis deux descendent un escalier dans la maison. Elle se
servent un thé, une tisane ..., se lèvent, ouvrent des portes tranquillement,
s’activent à je ne sais quoi, ... et disparaissent.
Il n’y a plus personne à entendre. Plus personne ! Sauf une voiture qui
passe, dehors.
Elles reviennent.
Vont et viennent.
Des sons ordinaires. En aucune façon des sons “inouïs”.
Ils nous bercent de banalité, comme des rebonds de leur existence.
Petit à petit, ce quotidien devient étrange. Leurs gestes s’altèrent.
Les personnages sont muets. Il y a un aspect dramatique dans le fait de
les entendre ralentir de vivre.
Au début les sons se superposent, et de plus en plus, s’enchaînent, se
succèdent.
L’action de ralentir a pour effet d’atténuer l’aspect anecdotique. On
entend plus que des sons dont le dessin s’épaissit. C’est un peu comme
si on passait de la perception d’une nature morte à une toile abstraite,
comme si on passait d’un dessin contour à un aplat de couleur.
Et, il n’y a plus deux personnes, mais des bruits, des tâches et puis
plus rien.
Où sont-elles passées ? Se sont-elles évaporées ? Pris 80 ans en 17 minutes
?
Sur la D.23, les voitures et les camions n’ont pas ralentis. Les voitures
passent toujours.
Finalement, se concentrer une vingtaine de minutes sur l’écoute et la
réflexion induite par cette écoute, c’est assez agréable !
C’est
une musique à penser.
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